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L’Union européenne (UE) entre dans une nouvelle ère de ses relations avec ses partenaires commerciaux. Les Vingt-Sept ont entériné, vendredi 4 octobre, l’instauration de taxes sur l’importation de véhicules électriques en provenance de Chine. Cette décision est l’aboutissement d’une enquête qui a mis en lumière les aides publiques massives dont les constructeurs chinois bénéficient, afin de pouvoir produire à des coûts défiant toute concurrence.
Les surtaxes pourront aller jusqu’à 35,3 % du prix du véhicule, en plus des droits de douane de 10 % déjà en vigueur. Elles visent à compenser des pratiques jugées déloyales, qui concernent toute la chaîne de fabrication, de l’extraction minière à la construction d’usines d’assemblage, en passant par le développement des logiciels.
Critiquée pour sa naïveté en matière de libre-échange, l’UE a donc fini par se résoudre à prendre des mesures pour protéger son industrie. Ce changement de doctrine s’est effectué au prix de dissensions au sein des Vingt-Sept. Si une majorité a réussi à se dégager pour voter les mesures proposées par la Commission européenne, l’Allemagne, la Hongrie, Malte, la Slovénie et la Slovaquie s’opposaient à ces barrières douanières.
Sur le plan politique, cette décision est un signal important envoyé à la Chine, car elle instaure un nouveau rapport de force avec un pays qualifié de « rival systémique ». Comme à son habitude, Pékin a tenté de diviser les Européens en agitant la menace de mesures de rétorsion sur un certain nombre d’exportations européennes vers la Chine. En ne cédant pas à ces intimidations, l’UE montre que ses intérêts communs sont supérieurs à ceux de tel ou tel Etat membre.
Sur le plan économique, il ne faut pas attendre de miracle de ce protectionnisme. Les constructeurs chinois ont la possibilité d’élaborer des stratégies de contournement pour pénétrer le marché européen. D’abord, la différence de prix entre les modèles chinois et européens est telle qu’une partie de leur gamme restera compétitive malgré les taxes. Par ailleurs, plusieurs projets d’usines chinoises sur le sol européen sont en cours de concrétisation. Ces investissements permettront d’échapper aux sanctions douanières décidées par la Commission.
Se replier derrière cette ligne Maginot n’est donc pas une solution de long terme. Même si les taxes peuvent offrir un répit temporaire aux constructeurs européens, elles ne leur permettront pas de surmonter leur retard technologique et leur dépendance à la Chine.
En fait, l’Europe se retrouve dans une situation symétriquement inverse de celle de la Chine il y a vingt ans, quand le moteur thermique dominait. Les Chinois ont attiré les investissements étrangers, noué des partenariats, imposé des transferts de technologie, tout en menant une guérilla réglementaire pour endiguer la domination des Occidentaux.
L’UE doit désormais employer les mêmes méthodes. Les Vingt-Sept peuvent ainsi exiger qu’une part significative des composants des véhicules chinois fabriqués en Europe soit d’origine européenne. Les obliger à utiliser des batteries fabriquées localement permettrait également d’accélérer l’émergence de la filière sur le Vieux Continent. Enfin, les sites ne peuvent pas se résumer à de simples hangars d’assemblage, mais doivent devenir de vraies usines à haute valeur ajoutée.
Dans le rapport de force avec Pékin, le protectionnisme n’est pas une finalité, mais simplement une étape et un levier pour que l’Europe puisse se mettre au niveau de la concurrence chinoise afin d’accélérer la transition écologique.
Le Monde
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